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Ségolène Roederer

 

Quel précieux privilège de se lier d’amitié avec un artiste que l’on a d’abord découvert par le biais de son œuvre, d’autant plus quand l’artiste s’appelle Lydie Jean-Dit-Pannel et que l’œuvre, c’est elle !

 

La première fois que j’ai « vu » Lydie, c’était en 1992, en Hollande et certainement sur le plus grand écran télévisé qui devait exister à l’époque. Sélectionnée par le World Wide Video Festival de Den Hague, l’une des mecques internationales de la vidéo d’art de ces années-là, sa vidéo-portrait J’ai rêvé que j’étais toi, diffusée en boucle sur une télé accrochée au mur d’une salle d’exposition, faisait littéralement fureur. Parmi tous les grands noms de cette intense période de la vidéo d’art, une étoile était née.

 

Avec ses œuvres pleines d’humour jouant sur l’autoportrait et la technique, cette jeune et jolie artiste au nom inoubliable, est rapidement devenue une star internationale. Réjouissant pour la féministe que j’étais, ce succès m’impressionnait d’autant plus que Lydie était originaire de la région où j’avais tout appris de la vidéo en travaillant pendant deux ans à la Manifestation internationale de vidéo d’art de Montbéliard.

 

Si je n’ai pas eu la chance de la rencontrer à ce moment-là parce que je convolais vers ma nouvelle terre d’accueil qu’est le Québec, Lydie a rapidement adopté le tout nouveau Centre International de Création Vidéo Pierre Schaeffer où elle a beaucoup créé pendant la fin de ces années 90.

 

Ce n’est qu’en 2008 que l’artiste et moi avons réellement fait connaissance, alors qu’elle venait à Montréal travailler sur un des grands moments de sa fabuleuse décennie avec les papillons monarque. Mises en contact par des amis communs, Lydie cherchait un toit et un atelier pour « cultiver » ses papillons, qu’elle allait lâcher dans la nature pour les rejoindre dans leur périple insensé et grandiose.

 

Pendant les 3-4 ans qu’ont duré ces travaux, Lydie est peut-être venue autant de fois chez moi, travaillant sur cette vaste œuvre à la fois filmique et physique, documentaire et performative, poétique et unique. Artiste jusqu’au bout de ses ongles bicolores, Lydie vit comme elle crée, narcisse ouverte aux autres et traçant son destin avec courage et ténacité et au pas de ses inséparables Doc Martens.

 

Partageant ce quotidien en devenir qu’est celui d’un artiste en création, les visites de Lydie se ponctuaient toujours de la naissance d’un nouveau papillon de peau, alors qu’elle disparaissait pendant plusieurs heures – souvent 24 – pour revenir au nid enrubannée de pellicule plastique sous laquelle se gonflait la promesse douloureuse d’un nouveau tatouage plus beau et plus fou que le dernier. Moments mêlés d’excitation et de questions, d’intime et d’admiration curieuse pendant que le corps de mon amie Lydie s’écrivait, ce qui s’est beaucoup passé entre le premier jour où je l’ai vue entrer chez moi et aujourd’hui...

 

Si j’ai eu la chance inoubliable de suivre de près tout le processus d’éclosion des monarques, si ce merveilleux autoportrait du papillon naissant sur les lèvres de l’artiste a été tourné dans ma chambre d’ami devenue l’antre d’une sorcière bien-aimante, je n’ai réalisé l’ampleur de la démarche de la femme papillon, sa dimension unique et bouleversante, qu’en même temps que tous lors de Lydie Jean-Dit-Panel, dix ans dans le bruissement du monarque, sa grande rétrospective montréalaise de cet automne 2014. Redevenant public en face d’une parole artistique, j’ai pu mesurer la grande force de la proposition, tant dans son contenu que dans la durée de cette route parcourue depuis 10 ans.

 

Une démarche unique, où la quête absolue de soi comme écriture du monde transcende la peur, où la trace de la nature et de l’homme, le bien et le mal, se confondent dans une course solitaire et malgré tout, sereine et lumineuse. Avec vissée au cœur la foi de son Moi, Lydie Jean-Dit-Pannel nous livre un témoignage vivant et sans répit, que j’ai eu le grand privilège d’accompagner pour un temps, dans le présent des échanges et de la relation humaine.

 

Merci pour ce cadeau, chère Lydie, et bonne route dans ce nouveau chemin nucléaire qui te passionne aujourd’hui.

 

 

Ségolène Roederer

Directrice générale

Québec Cinéma

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